écologue
Noelline Tsafack
Écologie de l’entomofaune des friches urbaines (MCF Montbéliard)

Écologie de l’entomofaune des friches urbaines (MCF Montbéliard)

Principale proposition développée dans le cadre d’une candidature à Montbéliard au sein du laboratoire Chrono Environnement.

Écologie de l’entomofaune des friches urbaines : Cas des friches industrielles du Vieux-Charmont et d’autres sites de la région

IV.2.1. Contexte

Avec la délocalisation des industries, les sites abandonnés, parfois pollués, deviennent l’habitat d’une flore et d’une faune particulières. Par ailleurs avec l’urbanisation grandissante, ces sites font aujourd’hui partie intégrante du paysage urbain. L’intérêt écologique de ces nouveaux habitats est de plus en plus reconnu dans la littérature scientifique1,2 et de vulgarisation3. Cet intérêt se matérialise par les projets qui y sont menés notamment des projets de réhabilitation15 dont le projet d’expérimentation de phytomanagement porté par M. Chalot de l’équipe LCE de Montbéliard.

Les organismes colonisant le nouvel habitat accumulent les différents polluants des sols de ces sites. Des études ont mis en évidence une accumulation des polluants par les organismes4,5 avec transfert de l’entomofaune herbivore vers les prédateurs.

L’entomofaune représente à la fois une part importante de la biomasse et de la biodiversité tout en étant un composant crucial des chaînes trophiques, pourtant elle est encore sous-étudiée.

Il sera très intéressant de continuer les études sur l’entomofaune de ces milieux. Des questions demeurent sur ces communautés, ce projet en étudiera certaines.

L’équipe de Chrono Environnement de Montbéliard a déjà réalisé des études sur cette entomofaune6, mon projet les continuera et les complétera, entre autres questions en déterminant la capacité de dispersion des insectes des friches industrielles. Ces études permettront de modéliser et de prévoir les potentiels transferts de polluants dans le paysage. J’ai toutes les compétences nécessaires pour mener à bien ce projet et pourrai également m’appuyer sur les compétences de l’équipe en support.

IV.2.2. Objectifs scientifiques

Ce projet s’insère dans les domaines de l’écologie urbaine, de l’écologie des communautés et des populations, de l’écologie du paysage et de l’écologie chimique. Le projet s’intéresse à la biodiversité et à la dynamique des communautés d’insectes des friches industrielles. Le projet portera particulièrement sur les groupes d’insectes bioamplificateurs ou bioaccumulateurs des ETM.

L’objectif global sera de déterminer les patrons de la composition, de la structure et du fonctionnement de ces communautés.

  • D’une part il s’agira d’étudier les déterminants spatiaux et temporels de la dynamique des communautés de l’entomofaune :
    • Quel est le rôle de la mosaïque du paysage (espace) ? (Agencement/configuration/urbanisation du paysage)
    • Quel est le rôle de l’histoire de la friche ? (pollutions initiales, temps, interventions humaines)

Ainsi nous pourrons construire des modèles, mais aussi confronter des hypothèses précises à la réalité du terrain, par exemple nous chercherons à savoir si la biodiversité augmente13,14 avec le temps, si des habitats voisins influencent les communautés, si l’aire (et la forme) de la friche conditionne la composition des communautés. Elles seront développées en amont de l’étude.

  • D’autre part il s’agira d’étudier les caractéristiques intrinsèques des familles identifiées les plus bioaccumulatrices ou bioamplificatrices.
    1. Quelle est leur capacité de dispersion ? Nous pourrons répondre à ces questions en utilisant par exemple les méthodes de capture-marquage-recapture
    2. Quel est le rôle de l’habitat ? (fidélité/spécificité à l’habitat ; habitat puits/source ; habitat de ponte/diapause ; habitat ressource nutritive)
    3. Quelle est leur vulnérabilité à la prédation ? (Niveau trophique)
    4. Quelle est leur valeur nutritionnelle ?

Cela pourra permettre d’estimer et modéliser indirectement l’effet de dispersion des polluants suivant les communautés d’insectes de la friche.

  • Ensuite, cette étude pourra contribuer à mettre en évidence des espèces/ou groupes d’espèces indicatrices de la santé du milieu (pollution, évolution de la friche).

IV.2.3. Méthodes

Sites d’étude

Les sites d’études seront sélectionnés sur les friches de la région Bourgogne Franche-Comté. Pour coordonner ce projet avec les activités de l’équipe, certains sites seront sélectionnés sur les friches industrielles du Vieux-Charmont et de Valentigney. D’autres sites sur les friches industrielles de Saint-Symphorien-sur-Saône. Les trois sites sont bien connus par l’équipe qui y mène des études. Le Vieux-Charmont et Valentigney sont situées autour de Montbéliard. Le site du Vieux-Charmont, une friche de surface de 2,1 ha, est un vestige de l’ancien site du fabricant d’équipements automobiles Burgess Norton7. Le site de Saint-Symphorien-sur-Saône est un site expérimental (plantation mixte de peuplier et d’ortie sur une surface d’environ 7.000 m2) installée sur une ancienne lagune de stockage de sédiments issus de l’activité chlor-alkali8.

Echantillonnages

  • Sol : Des échantillons de sol seront prélevés pour caractériser le sol et quantifier les différents polluants.
  • Végétation : Les différentes caractéristiques (diversité spécifique, biomasse, densité) seront relevées et les espèces végétales dominantes seront prélevées pour analyse chimique au laboratoire.
  • Insectes : Pour chaque groupe d’insectes ciblés, la méthode de piégeage sera adaptée.
    • Volants : Piégeages au filet et tente malaise.
    • Rampants : Pièges Barber.
    • Sous-sol : Pièges à émergence.

Les insectes piégés seront conservés au laboratoire et identifiés. Les traits fonctionnels seront également mesurés.

Données du paysage

Les éléments du paysage seront relevés. Il s’agira notamment des différents types d’occupation du sol. Ces données seront complétées par les données de cadastre et des images satellites. Ensuite, j’utiliserai les outils d’analyses spatiales QGIS (ou ArcGIS) pour extraire les différents éléments du paysage. Je caractériserai l’urbanisation autour des sites en mesurant les proportions en surface des différentes infrastructures (habitations, routes, chemins, terres agricoles…) à différentes échelles.

Analyse au laboratoire

Au laboratoire, des études seront réalisées pour quantifier les polluants à la fois sur les insectes, la végétation et le sol des différents sites. Ces analyses sont réalisées en routine dans le laboratoire de Montbéliard.

Méthodes statistiques

J’utiliserai des outils statistiques que j’ai déjà utilisé avec succès dans mes projets précédents. Il s’agira par exemple de techniques d’analyses multivariées comme l’analyse canonique des correspondances (CCA), des modèles linéaires généraux (GLM, GLMM), des modèles des moindres carrés partiels (PLS) dans les situations où nous aurons plus de prédicteurs que d’observations, des modèles de filtrage spatial des vecteurs propres (ESF) pour s’affranchir des problèmes d’autocorrélation spatiale pendant l’analyse des effets des facteurs paysagers.

Par ailleurs j’aimerais explorer des modèles novateurs : Machines à vecteur de support, arbres de décision, forêts aléatoires9,10.

IV.2.4. Dimensionnement – faisabilité

Au vu de mon expérience en protocole de terrain et en valorisation de données, j’estime que pour avoir des données intéressantes statistiquement (significatives) il faudra avoir une trentaine de points d’échantillonnages, avec des relevés tous les mois du printemps au début de l’automne. La prolongation du projet sur plusieurs années permettrait d’avoir des données très intéressantes sur l’évolution dans le temps de ces milieux très dynamiques. Le travail de terrain demandera l’aide d’au moins une personne (travail en binôme). Les sites sont faciles d’accès en voiture et deux des sites sont proches de Montbéliard.

Au total, ce projet demandera peu de ressources pour de résultats scientifiques intéressants et novateurs. Il n’y a pas de difficultés matérielles ou méthodologiques majeures.

IV.2.5. Apports du projet

Ce projet complétera les résultats déjà obtenus par l’équipe et sera l’un des premiers à produire des résultats (articles dans des revues à comité de lecture internationales) sur ces questions de structure des communautés d’insectes et biodiversité dans les friches industrielles, envisagées suivant une approche paysagère. L’étude de la dispersion des polluants par les insectes des friches est également nouvelle.

Le projet reliera écologie du paysage, analyse temporelle et écologie des populations et des communautés d’insectes d’une part, communautés d’insectes et dispersion des pollutions d’autre part. Il pourra donc aider à la formulation des recommandations pour les décideurs en urbanisme (taille de friche, environnement urbain…) par exemple en préconisant la conservation des habitats des espèces à faible dispersion.

Le projet s’inscrit donc très bien dans les travaux de l’équipe de Montbéliard, et apportera à la fois des résultats scientifiques novateurs sur ces questions encore globalement peu étudiées, et des applications pratiques assez directes, ce qui sera d’ailleurs un plus pour la recherche de financements.

IV.2.6. Intégration au laboratoire

Les sites d’étude déjà utilisés par l’équipe seront privilégiés. Au laboratoire, j’utiliserai les techniques de chromatographie et de spectrométrie de masse en me servant des équipements disponibles.

Au fil du projet, les compétences de l’équipe pourront m’être utiles en soutien. Plusieurs travaux y sont menés sur le phytomanagement des friches industrielles. Ce projet s’articulera facilement avec les travaux en cours.

1Hunter, 2014. doi: 10.15252/embr.201439736

2Strauss et Biedermann, 2006. doi:10.1111/j.2006.0906-7590.04716.x

3https://www.lesechos.fr/thema/redynamisation-territoires_belfort-et-montbeliard_friches-industrielles

4 Zhang et al, 2012. doi: 10.1007/s00128-012-0649-0

5 Heikens et al, 2001.doi:10.1016/s0269-7491(00)00179-2

6 Yung et al, 2019. doi : 10.1021/acs.est.9b04102

7http://www.adu-montbeliard.fr/fileadmin/Fichiers/Fond_documentaire/2019/ENV_2019_037.pdf

8Yung et al, 2020. doi: 10.1021/acs.est.9b04102

9Fox et al, 2018. doi : 10.1007/s10661-017-6025-0

10Breiman 2001. doi: 10.1023/A:1010933404324