Voici l’un des 3 projets préparés pour un dossier de candidature MCF à Dijon dans le laboratoire Biogéosciences.
Projet 2 : Écologie de l’entomofaune des vignes : les prédateurs généralistes : les punaises anthocoridés
IV.4.1. Contexte
Les vignes constituent une culture importante économiquement en particulier dans la région Bourgogne. L’étude de l’entomofaune (ravageurs, vecteurs et auxiliaires) des vignes permet d’optimiser la production tout en modérant l’apport d’intrants chimiques. Dans un contexte de changement climatique où l’équilibre des processus écologiques comme les services écosystémiques est menacé, la dynamique des communautés des auxiliaires de culture ressort comme un sujet de recherche primordial.
Ce projet s’intéresse à l’écologie d’un groupe d’auxiliaires de la vigne : les punaises anthocoridés. Les punaises anthocoridés sont des prédateurs généralistes1,2, présents dans plusieurs systèmes de culture dont la vigne. Dans les vignes, les adultes sont prédatrices d’œufs et de larves de cicadelles, comme la cicadelle vectrice de la flavescence dorée (Scaphoïdeus titanus).
L’équipe ECO/EVO étudie déjà les systèmes tritrophiques vigne-vecteur-pathogène et vigne-ravageur-parasitoïde, mon projet complète ce thème en étudiant un système vigne-ravageur-prédateur (ou vecteur). Il apporte un autre auxiliaire de culture (les punaises anthocoridés) avec un autre mode de régulation (la prédation). Mon projet complète donc les études de l’équipe avec des questions qui me permettront aussi de travailler avec deux autres équipes : BioMe et CRC. Ces études permettront de modéliser et prévoir, dans un contexte de changement global et d’adaptation des pratiques agricoles, le potentiel régulateur des anthocoridés.
IV.4.2. Objectifs
Ce projet s’intéresse à l’écologie d’un groupe d’auxiliaires de la vigne : les punaises anthocoridés. Il s’agit de développer les connaissances autour des mécanismes qui expliquent la distribution et l’abondance des communautés d’anthocoridés. Ceci dans un but d’optimisation de leur fonction de régulateur de ravageur et de modélisation des dynamiques dans un contexte de changement climatique.
Il s’agira notamment de développer les points suivants :
- 1) Nous étudierons (statistiques inférentielles) comment différents facteurs influencent les communautés des anthocoridés.
- Facteurs locaux (microclimat, sol, intrants)
- Facteurs globaux (gradient de température, humidité)
- Facteurs paysagers (composition)
- 2) Nous nous concentrerons sur les espèces à fort pouvoir régulateur (Anthocoridae du genre Orius, nous sélectionnerons l’espèce dominante sur le terrain) pour étudier les différents facteurs influençant leurs traits biologiques, dont le potentiel de prédation des cicadelles.
- 3) Nous modéliserons les effets du changement climatique en utilisant l’algorithme MaxEnt3,4. Nous considérons d’une part l’enveloppe climatique de la proie (cicadelle, vecteur de la flavescence dorée), d’autre part l’enveloppe climatique de l’espèce Anthocoridae Orius insiduosis Si cette espèce comme dans plusieurs régions correspond à l’espèce dominante dans les vignes de la région. En recoupant les deux enveloppes, nous pourrons prédire avec plus de précision la réponse du service régulateur face au changement climatique.
L’exploration de ces différentes questions permettra de mieux connaître la réponse au changement climatique de la fonction de régulation des Anthocoridae dans le cadre du système tritrophique punaise-cicadelle-vigne.
IV.4.3. Méthodes
Sites d’étude : Nous choisirons des parcelles dans les vignobles de la région de Bourgogne, en priorité les parcelles déjà sélectionnées par l’équipe.
Echantillonnages
- Sol : Des échantillons de sol seront prélevés pour caractériser la structure du sol et quantifier les différents intrants. Ces données seront complétées par des entretiens avec les propriétaires.
- Insectes : Nous utiliserons les pièges collants pour collecter les anthocoridés et les cicadelles dans les parcelles. Les spécimens seront conservés au laboratoire. Je les identifierai et mesurerai ensuite.
Données du paysage
Les éléments du paysage seront relevés. Il s’agira notamment des différents types d’occupation du sol dans l’environnement de la parcelle. Ces données seront complétées par les données de cadastre et des images satellites. Ensuite, j’utiliserai les outils d’analyses spatiales QGIS (ou ArcGIS) pour caractériser l’organisation spatiale des sites en mesurant les proportions en surface des différents éléments du paysage (friches, prairies, cultures, bandes enherbées, haies…).
Données climat
La collecte des données sur les facteurs climatiques et microclimatiques pourra bénéficier des synergies avec l’équipe CRC (Centre de Recherches de Climatologie).
Analyse au laboratoire
Au laboratoire, des études seront réalisées pour quantifier les intrants à la fois sur les insectes et le sol des différentes parcelles. J’ai les compétences pour réaliser ces analyses.
Elevages
Pour répondre au deuxième volet des objectifs (biologie de Orius sp.), je mettrai en place des élevages des espèces de Orius sp. Dans un premier temps je réaliserai les élevages de Orius insiduosis qui est l’espèce parmi les punaises anthocoridés la plus étudiée dans la littérature.
Méthodes statistiques
En plus de l’algorithme MaxEnt, comme pour le projet présenté plus haut, j’appliquerai les outils statistiques que j’ai déjà utilisé avec succès dans mes projets précédents et j’explorerai des approches novatrices.
IV.4.4. Dimensionnement – faisabilité
Au vu mon expérience en protocole de terrain et en valorisation de données, j’estime que pour avoir des données intéressantes statistiquement (significatives) il faudra avoir une trentaine de points d’échantillonnages, avec des relevés tous les mois du printemps jusqu’à la fin de l’été. La prolongation du projet sur plusieurs années permettrait d’avoir des données très intéressantes sur l’évolution dans le temps des différentes dynamiques prédateur/proie. Le travail de terrain demandera l’aide d’au moins une personne (travail en binôme). Les modalités de l’élevage seront à déterminer.
Ce projet pourra bénéficier de plusieurs financements (région, France, Europe) qui seront recherchés avec le soutien du BVV (Pôle Bourgogne Vigne et Vin).
Au total, ce projet demandera peu de ressources pour de résultats scientifiques intéressants et novateurs. Il n’y a pas de difficultés matérielles ou méthodologiques majeures.
IV.4.5. Apports du projet
Ce projet complétera les résultats déjà obtenus par l’équipe et sera l’un des premiers à produire des résultats (articles dans des revues à comité de lecture internationales) sur ces questions de structure des communautés des anthocoridés et leur biologie.
Les anthocoridés pourraient représenter une solution d’avenir pour le contrôle biologique dans les vignes au vu de leur possible bonne réponse au changement climatique (prédateur généraliste). Ce projet permettra d’explorer cette question. Le projet pourra aider à la formulation des recommandations pour les viticulteurs.
Ce projet apportera également des résultats théoriques de portée plus générale sur les réponses des systèmes prédateur/proie au changement climatique. Les perspectives d’articulation avec les résultats de l’équipe sur les relations hôte-parasitoïde notamment, pour mieux théoriser les réponses générales des fonctions écologiques et des relations inter-organismes dans le cadre du changement climatique, sont intéressantes.
IV.4.6. Intégration au laboratoire
Ce projet s’inscrit dans les thèmes de l’équipe ECO/EVO et pourra bénéficier à la fois des sites d’étude, des méthodologies et des compétences de l’équipe. Par ailleurs, l’étude des facteurs climatiques et microclimatiques pourra bénéficier des synergies avec l’équipe CRC (Centre de Recherches de Climatologie). Ce projet pourrait d’ailleurs s’inscrire dans ou être en synergie avec le projet inter-équipes « Etude intégrée de la vigne » qui réunit les équipes CRC, SEDS et ECO/EVO.
1 Lattin et Stanton, 1992. https://www.jstor.org/stable/25009976
2 Furihata et al, 2020. doi: 0.1093/ee/nvz001
3Elith et al, 2010. doi:10.1111/j.1472-4642.2010.00725.x
4Merow et al 2013. doi: 10.1111/j.1600-0587.2013.07872.x