écologue
Noelline Tsafack
Ecologie des insectes en milieu urbain (MCF Dijon)

Ecologie des insectes en milieu urbain (MCF Dijon)

Voici l’un des 3 projets préparés pour un dossier de candidature MCF à Dijon dans le laboratoire Biogéosciences.

Projet 1 : Ecologie des insectes en milieu urbain

IV.3.1. Contexte

L’urbanisation est considérée comme l’une des menaces majeures pesant sur la biodiversité1,2,3. Le processus d’urbanisation entretient les pollutions diverses (lumineuse, sonore, de la qualité de l’air) et conduit à la fragmentation et la perte des habitats naturels15. L’ONU estime que la population humaine atteindra près de 10 milliards en 2050 avec une majorité de citadins4 ce qui présage d’une urbanisation croissante.

Dans un contexte de changements globaux (principalement changement du climat et démographie croissante), une attention particulière devrait être portée à la biodiversité des milieux urbains et à l’importance des espaces verts urbains. Des études ont montré que les espaces verts des milieux urbains concentrent une forte diversité5,6.

Je propose d’étudier les communautés d’insectes qui ont fait de la ville leur habitat.

Le laboratoire Biogéosciences travaille en ce moment sur un projet inter-équipes (BioMe, CRC, SEDS et SAMBA) intitulé « Urbanisation et Biodiversité » (porté par M. Bruno Faivre )7. Le projet vise à étudier comment se structurent et fonctionnent les communautés dans l’habitat urbain. Les données environnementales sont récoltées suivant un grain spatiotemporel très fin (relevés de température et d’humidité toutes les 20 minutes, simulation du climat sur une résolution spatiale de 150 m et dispositifs de 400 nichoirs). Les organismes modèles d’études impliqués jusqu’à présent sont les oiseaux et les gastéropodes.

Mon projet se propose d’apporter un volet « insectes » à cette étude déjà en cours. Les insectes constituent la classe la plus diverse, sont très importants dans la chaîne trophique, peuvent constituer de bons bio-indicateurs et sont faciles à échantillonner.

Cette partie du projet sera en continuité avec l’étude que j’ai mené pendant mon postdoctorat en Chine. En effet, dans le cadre d’un projet participatif que j’ai initié et mis en place, j’ai travaillé avec des étudiants sur la détermination des patrons des communautés d’insectes en milieu urbain (piégeages 2018 et 2019 dans les espaces verts de la ville de Yinchuan, Chine, climat continental aride).

À terme, ces études permettront de formuler des mesures de gestion et de conservation.

IV.3.2. Objectifs

Les objectifs de ce projet se déclinent en deux parties :

  • Une première partie exploratrice : Biologie et écologie des populations et des communautés

Il s’agira de déterminer comment se composent, se structurent et fonctionnent les communautés d’insectes en milieu urbain d’une région tempérée. Je chercherai à déterminer la composition des communautés d’insectes. Je déterminerai quelles espèces peuvent être nuisibles et quelles peuvent être bio-indicatrices (parallèlement aux travaux sur les organismes sentinelles de l’équipe BioMe) et surveillerai leurs dynamique et abondance.

  • Une autre deuxième partie sur les facteurs abiotiques.

Il s’agira également de comprendre comment les facteurs abiotiques (données du microclimat déjà disponibles) impactent la structure et le fonctionnement des communautés d’insectes. Le projet dispose déjà de données climatiques très fines, ce qui permettra des modélisations spatiales très précises.

  • Une autre partie sur le rôle de l’habitat (paysage).

Il s’agira de chercher à comprendre comment la structure des espaces verts influence les populations et les communautés. En considérant les espaces verts urbains comme des îlots, je m’inspirerai de la théorie de la biogéographie insulaire de McArthur et Wilson (ETIB)8 pour modeler la dynamique des populations et des communautés. En considérant que l’équilibre de la diversité dépend seulement des taux d’extinction et d’immigration, je testerai les hypothèses suivantes : 1) Surface : Les espaces verts de grandes surfaces abritent une plus forte diversité ; 2) Isolement : L’isolement des espaces verts est défavorable à la diversité (on pourra aussi tester les hypothèses du débat SLOSS9,10 Single Large Or Several Small) ; 3) Forme : La forme circulaire de l’espace vert favorise la diversité (en réduisant l’effet de bordure) ; 4) Le centre urbain abrite plus de diversité que la périphérie.

Ces différentes questions permettront d’avoir une meilleure vision des facteurs qui influencent les communautés d’insectes en milieu urbain.

IV.3.3. Méthodes

Sites d’étude : ville de Dijon

Les différents points d’échantillonnage seront sélectionnés dans le milieu urbain de la région Dijonnaise, du centre (parcs et autres espaces verts) vers la périphérie urbaine.

Dans le centre urbain, je sélectionnerai mes points d’échantillonnage en prenant en compte les sites de relevés des données environnementales menés dans le cadre du projet « Urbanisation et Biodiversité » par le laboratoire Biogéosciences. Les données sont relevées suivant un grain spatial et temporel très fin (maillage de 150 m, fréquence de relevés 20 minutes).

Echantillonnage

J’échantillonnerai les insectes par des collectes au sol (pour les rampants sur des quadrats de 1 m², collecte à la main sur 3 quadrats par point d’échantillonnage séparés d’au moins 150 m,10 min de temps de collecte pour chaque quadrat) et au filet (pour les volants, 3 fois 50 pas par point d’échantillonnage séparés d’au moins 150 m).

Cette collecte pourra se faire à une fréquence de deux fois par mois lors des saisons propices (mi-printemps à mi-automne), avec la participation d’étudiants dans une optique de science participative comme je l’ai fait en Chine.

J’identifierai les insectes au laboratoire et j’utiliserai les données environnementales fournies par le projet « Urbanisation et Biodiversité ».

Méthodes statistiques

J’utiliserai des outils statistiques que j’ai déjà utilisé avec succès dans mes projets précédents. Il s’agira par exemple de techniques d’analyses multivariées comme l’analyse canonique des correspondances (CCA), des modèles linéaires généraux (GLM, GLMM), des modèles des moindres carrés partiels (PLS) dans les situations où nous aurons plus de prédicteurs que d’observations, des modèles de filtrage spatial des vecteurs propres (ESF). Par ailleurs j’aimerais explorer également des modèles novateurs : machines à vecteur de support, arbres de décision, forêts aléatoires11,12.

IV.3.4. Dimensionnement – faisabilité

Ce projet s’intègre très bien dans le laboratoire Biogéosciences, puisqu’il se positionne en complément d’un projet existant. Il concernera en premier lieu l’équipe BioMe. Il demandera peu de moyens (sites existants et faciles d’accès, échantillonnage et travail de laboratoire faciles, cadre et données existants). Il pourra s’inspirer des méthodologies et modèles déjà utilisés dans le projet « Urbanisation et Biodiversité ».

IV.3.5. Apports du projet

Ce projet apportera des résultats scientifiques novateurs sur l’écologie des insectes en milieu urbain avec un maillage des facteurs climatiques très fin, grâce aux synergies avec le projet inter-équipes existant. Ce projet pourra aussi sans doute apporter un éclairage supplémentaire sur les résultats déjà obtenus par l’équipe BioMe sur les autres modèles d’études (oiseaux et les gastéropodes), en apportant des données sur un autre élément (insectes) de la chaîne trophique. Comparer les résultats avec ceux de mon projet dans la ville de Yinchuan pourra aussi apporter un éclairage sur le rôle des facteurs globaux dans les réponses de la biodiversité des insectes en milieu urbain (climat continental aride versus climat tempéré). Une meilleure compréhension des facteurs notamment paysagers et climatiques qui influencent les communautés d’insectes permettra d’enrichir les recommandations scientifiques visant à améliorer et maitriser la biodiversité en milieu urbain.

IV.3.6. Intégration au laboratoire

Ce projet s’intègre dans une étude en cours, le projet « Urbanisation et Biodiversité » (porté par M. Bruno Faivre ) ce qui garantit une bonne intégration scientifique et pratique. Il sera mis en place dès la rentrée en commençant pas le recrutement des étudiants intéressés par le projet participatif. Ensuite dès la mi-printemps 2021 les échantillonnages débuteront et l’identification au laboratoire se fera en parallèle.

1Gili et al, 2020. doi: 10.1016/j.biocon.2019.108343

2McDonald et al, 2010. doi: 10.1371/journal.pone.0009509

3Grimm et al, 2008. doi: 10.1126/science.1150195.

4ONU.https://www.un.org/development/desa/fr/news/population/2018-world-urbanization-prospects.html

5Fattorini et Galassi, 2016. doi: 10.1007/s10841-016-9900-z

6Verna et al, 2020. doi: 10.1002/9781119434016.ch12

7 https://biogeosciences.u-bourgogne.fr/projets-inter-equipes-contrat-2017-2022

8 MacArthur, R. H.; Wilson, E. O. 1967. The theory of island biogeography. Princeton, NJ: Princeton University Press. 203 p.

9 Ovaskainen. 2002. doi: doi:10.1006/yjtbi.308

10 Lindenmayer et al, 2015. doi: 10.1016/j.foreco.2014.11.027

11Fox et al, 2018. doi : 10.1007/s10661-017-6025-0

12Breiman 2001. doi: 10.1023/A:1010933404324